Les sentiers chantent
Un oiseau dessine un chemin
Je le suis
Annick
« Vacances »
« Le monde est plein d’endroits mais celui-là est à toi… »
Voici ce que tu as devant les yeux :
Un village perché, griffant le ciel bleu, accordant la valse
des nuages. Une église ceinte de vitraux noirs, havre d’une
fraîcheur calmant la fièvre. Au-dedans coulent des arc-
en-ciel, le miracle Soulages…
Voici ce que tes narines respirent :
La poussière des vieux bois de l’appartement familial…
Cuite par le soleil, la vapeur puissante des touffes de thym,
d’ail et de serpolet. « Les odeurs, tu le sais, sont capables
de souvenirs ».
Voici ce que tes oreilles entendent :
Le bruissement des feuilles dans les hautes frondaisons.
Le délicieux clapotis de la rivière glissant sur les galets
moussus met l’eau à la bouche.
Les cris de joie des enfants comme des pépiements
d’oiseaux.
Les calmes battements de ton cœur qui te murmurent que c’est cela qu’il te faut, à cet instant…
Oui, ce village, ces moments, mettent sous ta peau ces
sensations, dans ton âme ce chant, ces images sous tes
paupières…
Marie-Christine
Une fragrance,
La chaleur des rayons du soleil sur le visage
Un maillot de bain pour se jeter dans les vagues
J’accepte de me perdre sur des sentiers et des chemins
de traverse…
Ah, une trouée, une clairière…
Mouvance inquiète du pont improbable
Saint-Tropez.
Poésie collective/ cadavre exquis
L’errance crépusculaire
Flâner au gré de ses envies
S’enfoncer dans le sol, dans le sable chaud,
Profiter du moment sous le soleil couchant,
Sous le vent du soir, sous une moustiquaire…
Une revivance d’étonnements
L’enfance
Poésie collective/ cadavre exquis
Voici ce que tu as devant les yeux. Une scène de liesse enveloppée de la touffeur de l’été. Été 97. J’ai 18 ans. La musique est entêtante. Mes pieds nus dansent dans l’herbe moite. Les rayons du soleil filtrent à travers les branches encore lourdes des arbres fruitiers. J’ai chaud, j’ai soif, mais je ne m’arrête pas de danser, emportée par mes propres mouvements et mes éclats de rire. Un peu plus loin sur la terrasse, le maillot de bain encore mouillé balance dans la brise salvatrice. Les odeurs du barbecue des voisins et les rires gras clairement imbibés remplissent l’atmosphère. J’ai chaud, j’ai soif, mais je ne m’arrête pas. Le soleil commence à décliner. Des reflets orangés caressent la table blanche en plastique du jardin. Quelqu’un me parle. Je fais semblant d’avoir compris. Je lui souris. Au loin, j’entends la voisine qui râle : « Mais fermez-la bande de sauvages ! » Ça me fait rire ! Alors je danse encore plus fort. Je crois que la nuit est tombée. A la campagne, on a la chance de voir les étoiles. Je lève la tête et contemple tous ces petits points qui scintillent, comme des clins d’œil. J’ai 18 ans. Tout est parfait. Je danse et je glisse quantité d’images sous mes paupières.
Annabelle
Étonnement bondissants
Sur les chemins de traverse
L’inconnu attend
Annick
Voici ce que tu as sous les yeux .Voici ce qui insiste sans cesse où que tu sois . Tu as eu beau parcourir le monde , découvrir d’autres paysages , rencontrer d’autres cultures , c’est là sous tes yeux ce que tu cherchais . Tu es du pays de ton enfance ! Combien tu l’as haïe cette phrase toute faite , facile , enfermante , un prêt à penser ! Tu as tout fait pour le quitter ce pays-là, pour tracer de nouvelles frontières, pour effacer toutes traces du passé . Tu as cru pouvoir l’oublier Ouvre les yeux , écoute enfin ce qu’il a à te dire. Écoute et suit les sentes de l’enfance où tu aimais flâner au gré des fragrances , emportée par d’improbables mouvances Vois les prés piquetés d’or , entend la rivière chuchoter , observe entre tes mains la pierre de schiste s’effriter . Écoute , là le chant des cigales , sens sous tes pieds nus le chatouillement de l’herbe . Respire le parfum de bruyère et de serpolet . Laisse le jus des cerises couler dans ta gorge . Écoute la vie palpite … Étonnements bondissants sur les chemins de traverse où l’inconnu attend à chaque instant . Ce pays-là est celui qui est en toi . Regarde la liberté danse sous tes paupières
Annick
Voici ce que tu as devant les yeux; les horizons vagues du parc des volcans d’Auvergne à l’herbe arasée sous la dent des Salers aux cornes démesurées. La survivance des familles éparses aux accents roulants comme roulent les vieilles pierres de lave. Vieux pays, vieux peuple clairsemé. Je suis là dans ce minuscule village. En vacances chez ma tante, sa soeur. En exil, immigré du Nord de la France. J’ai dix ans. Je ne connais personne. Je suis là, dans les pas de son absence, il y a si longtemps qu’elle est partie. Dans ce désert écrasé par un lourd manteau caniculaire où le vent frais tente parfois des caresses illusoires, j’étais là. En vacances. Là où ma mère avait grandi, au milieu et dans le souvenir de ses aïeux d’ici. Mes inconnus. De grands buissons fleuris libéraient des insectes enfin maîtres de leur court destin. Des fougères géantes caressaient mes chevilles. C’était donc de ces fougères là dont elle parlait de temps en temps quand rêveuse et languissante, elle s’abandonnait à la nostalgie. Entre deux jeux d’été, de courses, de bagarres avec ce cousin, nouveau, je me plantai devant les deux rochers de ma mère, attendant qu’ils me parlent d’elle. De ce qu’avait été sa vie ici. Des images qu’elle emportait sous les paupières le soir.
Gilles