Proposition d’écriture
Nous sommes en 2045. La révolution a éclaté dans la République BIS – Bonheur Identité Stabilité. Dans cette société, où tout était pour le mieux dans le plus heureux des mondes, les fonctionnaires sont désormais envoyés sur l’île où les habitants insuffisamment heureux devaient séjourner de leur plein gré. Sans l’aide du BIB – Bonheur Intérieur Brut mesurable- les bureaucrates doivent réfléchir seuls à la question du bonheur : Est-ce si simple d’être heureux?
Imaginer
Vous êtes un ancien fonctionnaire de la République BIS envoyé sur l’île. Les révolutionnaires pacifistes vous laissent libres de circuler, de penser par vous-mêmes. Vous entrez dans une bibliothèque et vous tombez sur le livre “Journal d’un homme heureux” de Philippe Delerm. Commencez votre texte par l’Incipit emprunté à cet ouvrage: ” Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne”
Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne. J’avais pourtant fait de mieux, j’avais fait plaisir à mes collègues du Réseau et atteint le quota de bonheur partagé nécessaire à mon augmentation triennale Nationale. J’avais pris le psycho-bonheur du lundi. J’avais élaboré le plan parfait de l’immeuble du Bonheur, où chaque appartement avait la même densité de Plaisir Stable au mètre carré. Mon épouse et moi-même avions joui le nombre de fois réglementaires. Je souriais, je souriais, je souriais. Et tu es venue, ma si belle voisine 308, étage 43, tour 2222A. Ta blondeur, ton éclat et ce sourire. Ce sourire. Pas le sourire qu’il faut. Pas celui qu’on nous enseigne, pas celui que j’ai enseigné toute ma vie. L’autre, le carnassier, celui qui accuse. Celui qui me condamne à la réclusion insulaire. Celui qui m’ordonne de marcher, de vivre, d’exister, et d’y mettre du cœur, sans peur, sans heurts. Tu m’ordonnes de marcher dans les vignes où poussent les herbes hautes, pour goûter à ce que tu appelles le bonheur, l’autre, celui qu’on ne mesure pas. J’exècre. Le plaisir de ma voisine de logement, j’accomplis.
Béatriz Beaucaire
Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne. Je me dirige vers la bibliothèque, convaincu aujourd’hui que le bonheur est dans le monde. Je me déplace sans peur. Les habitants ici n’ont jamais montré quelques désirs de vengeances. Je croise des femmes et des hommes vêtus à la mode, qui entrent et sortent du bâtiment en toute liberté. Qu’est-ce que je n’avais pas compris ou plutôt de quoi avais-je eu peur ? du Dieu vengeur, du poids de la tradition, de tout je crois. Avant je traversais la ville en écoutant en permanence la propagande du gouvernement diffusée par les hauts-parleurs, jamais je n’aurais osé traverser en dehors des passages cloutés, jamais épouser une femme qui ne me soit donnée par le gouvernement. Comment aurai-je pu connaître le goût du miel sauvage, l’odeur des foins coupés et la liberté d’être, fatigué parfois, agacé d’autres fois. Même l’idée que ma vie était illusoire ne m’avait jamais effleuré.
Gilles
Voici ce que tu as devant les yeux. Une scène de liesse enveloppée de la touffeur de l’été. Été 97. J’ai 18 ans. La musique est entêtante. Mes pieds nus dansent dans l’herbe moite. Les rayons du soleil filtrent à travers les branches encore lourdes des arbres fruitiers. J’ai chaud, j’ai soif, mais je ne m’arrête pas de danser, emportée par mes propres mouvements et mes éclats de rire. Un peu plus loin sur la terrasse, le maillot de bain encore mouillé balance dans la brise salvatrice. Les odeurs du barbecue des voisins et les rires gras clairement imbibés remplissent l’atmosphère. J’ai chaud, j’ai soif, mais je ne m’arrête pas. Le soleil commence à décliner. Des reflets orangés caressent la table blanche en plastique du jardin. Quelqu’un me parle. Je fais semblant d’avoir compris. Je lui souris. Au loin, j’entends la voisine qui râle : « Mais fermez-la bande de sauvages ! » Ça me fait rire ! Alors je danse encore plus fort. Je crois que la nuit est tombée. A la campagne, on a la chance de voir les étoiles. Je lève la tête et contemple tous ces petits points qui scintillent, comme des clins d’œil. J’ai 18 ans. Tout est parfait. Je danse et je glisse quantité d’images sous mes paupières.
Annabelle
« Je me suis levé ce matin en pensant que la journée allait être bonne. » J’ai refermé le livre, j’ai ôté mes lunettes et je me suis frotté les yeux. J’ai fouillé dans ma poche : il ne me restait que neuf gélules, pas même de quoi tenir deux jours. J’ai remis mes lunettes et mon regard s’est attardé sur la bonne vieille affiche placardée près de la porte : les dix commandements du BIS. Autrefois, je les connaissais par cœur, à la virgule près. J’étais capable de les réciter à l’endroit, à l’envers. Lorsque les honnêtes concitoyens venaient me confier les propos déraisonnables d’un ami, d’un voisin, d’un parent, aussitôt le texte complet du PICON (Propos Interdits Contre l’Organisation de la Nation) s’affichait sur mon écran mental. Je me souviens, une fois, un petit garçon est venu m’expliquer que son papa allumait bien la télé à 18h30, mais il coupait le son pour pouvoir lire en paix des poèmes d’un certain Rambo… Rainbow… je ne sais plus… en tout cas, un poète interdit. J’ai aussitôt informé des faits la BIB (Brigade d’Intervention du Bonheur). Le père a été envoyé dès le lendemain sur l’île (Nous avons bien sûr vérifié les dires de l’enfant) et nous avons félicité le garçon. Il s’est écrié : « Quel bonheur ! Enfin ! » et s’est précipité sur sa console. Sa mère m’a souri, d’un sourire las, sans joie et je n’ai pas eu le réflexe (ou la force) de l’envoyer sur l’île, elle aussi. J’en ai honte aujourd’hui. C’est vrai, on est bien, sur cette île ! C’était une chance pour tous ces gens de pouvoir se réadapter dans ce cadre magnifique ! Il y règne toujours un soleil éclatant, une température agréable : on se croirait en vacance… de longues vacances. Et en plus, si on aime les choux… Avec les collègues, on se retrouve pour l’apéro, le soir, et on évoque le bon vieux temps. Bon, à force, les mêmes anecdotes, les mêmes blagues, les mêmes prises de tête reviennent, les jours raccourcissent, les rires s’estompent… Nous ne nous souvenons plus que de bribes du poème : Cours-y vite, il est… il a… il était… Voyons, cours-y vite… il est… il était… il sera… tu feras… Trente minutes par jour tu crieras… Il fait bon dans le pré. Je me suis allongé sous l’aulne où était amarré mon canoë. Et si le bonheur n’y était pour rien ? J’ai ôté mes lunettes, je me suis frotté les yeux. J’ai fouillé dans ma poche, j’ai ressorti les neuf gélules. L’heure approchait où j’allais devoir prendre la suivante. [Comme un flash, j’ai revu ce qui figurait sur les boîtes : NE PAS DÉPASSER LA DOSE PRESCRITE] J’ai ouvert la bouche, les neuf gélules sont retombées sur ma langue. C’était agréable, comme un avant-goût de bonheur. L’aubergiste s’est approché de moi. Il tenait mon totem dans sa main. Il m’a souri.
Le bonheur est dans le pré
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, il va filer.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite, il va filer.
Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,
Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite, il va filer.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,
Sur les cornes du bélier, cours-y vite, il va filer.
De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,
De pommier en cerisier, cours-y vite, il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite,
Saute par-dessus la haie, cours-y vite ! Il a filé !
Paul FORT
C. Lonjon
Avant la révolution…Les dix commandements du BIS Proposition : Écrire à la manière des dix commandements, Livre de l’Exode 20, 1-18, issu de la Bible
Les Dix Commandements du BIS
Nous, Grand BIS, élu démocratiquement pour l’éternité par la grâce de la bienveillance éclairée de nos bienheureux concitoyens, décidons que :
•Cinq gélules de PSYCHOBONHEUR par jour (par prises espacées de deux heures) tu ingèreras
•A chacun de tes concitoyens que tu rencontreras trois fois tu souriras
•Chaque jour à 18 h 30 la télévision tu allumeras et Propos sur le Bonheur tu regarderas (durée : 2 h 55)
• Cinq fruits et légumes par repas* tu dégusteras
• Quatre pensées positives par heure tu concevras**
• A chacun de tes réveils, le matin, par trois fois : « Je suis heureux.se ! »tu t’écrieras
• Un orgasme par vingt-quatre heures tu éprouveras***
• Le poème Le bonheur est dans le pré avant ton coucher chaque soir tu réciteras (version officielle en annexe)
• Trente minutes par jour rapidement tu marcheras
• En te rasant le matin ton reflet dans le miroir tu embrasseras
*Petit déjeuner compris
**Voir liste en annexe
***Ça suffit bien
C. Lonjon
Les 10 commandements de mon BIB (Bonheur Intérieur Brut!)
C’est si simple d’être heureux car …
1- Mon authenticité émane pleinement puisque je serai moi-même en toute circonstance.
2- Ma part divine facilite ma connexion avec la Vie et l’Univers puisqu’en étant authentique je parviens à me relier à ce qu’il y a de plus sacré.
3- J’entends, je vois, je sens, je vis ma propre vérité puisqu’en me reliant à l’Univers, je capte indéniablement cette vérité partout, en tout, et par tous les temps.
4- Afin de mieux accueillir les aléas et les aventures que le Vie me présente, cette vérité si précieuse me permet de suivre le courant de la Vie en toute confiance.
5- Je me permets de m’ancrer sur cette terre afin de pouvoir réaliser ma mission ; et malgré les hauts et les bas de la Vie, je me laisse bouger et me mouvoir avec allégresse en étant dans ce flow.
6- Je rends ce monde plus beau et propice grâce à cette mission qui aura pour but d’enrichir la vie des autres, y compris la mienne.
7- Afin de capter les énergies qui m’entourent, mes sens sont en exacerbation puisque ce qu’il y a de beau et propice m’amène à vivre en pleine conscience.
8- Avec cette pleine conscience, je vis l’expansion de mon être aux confins de l’Univers en transcendant ces mêmes énergies subtiles.
9- Ce qu’il y a de plus précieux dans cet Univers, et donc la Vie elle-même, est véhiculé par l’expansion que je vis en collectivité.
10- Et ce qui procure paix et bonheur dans ce monde émane de mon être qui rayonne l’amour et donc comble ma Vie.
Petit Bonze
Tout le bonheur de bonne humeur …
Tout le bonheur de bonne humeur démarrera avec ton évolution… une quête qui commencera avec la révélation de ton pouvoir intérieur si longtemps dormant qui est temps de réveiller. Tu t’épanouiras comme une fleur et tes couleurs se dévoileront sous l’ampleur de tes découvertes spirituelles, qui sont intimement liées à ta soif de liberté d’être et de vivre comme tu l’entends. Ton cheminement te fera rencontrer des gens de tout horizon. Tu feras des expériences mystiques qui te catalyseront dans un monde au-delà ce qui est donné de voir. Tu vibreras à la naissance de chaque nouvelle énergie qui émergera en toi et qui se répandra à tous ceux qui entreront en ta présence. Tu sauras canaliser ce pouvoir pour le plus grand bien et bonheur de tous, y compris pour toi. Transmettre, inspirer, guider dans l’amour et la lumière sera ton leitmotiv et ton crédo enchanteur sera de « Souris de l’intérieur pour rayonner vers l’extérieur tout le bonheur de bonne humeur » … Wow !
Petit Bonze
50 Tu traverseras le pré en diagonale pour atteindre la rivière qui
murmure en contrebas.
Là, tu trouveras, amarré à un vieil aulne, un canoë à deux places
qui m’appartient.
Tu embarqueras, tu détacheras l’amarre et tu te laisseras porter
pas le courant pour rallier l’île que tu aperçois en face.
20 Tu accosteras sur la petite plage de l’île qui nous fait face.
Tu laisseras le canoë partir au fil de l’eau.
Les habitants de l’île adorent les choux, ils en cultivent de toutes
les couleurs.
Tu découvriras en lisant le livre ouvert posé sur le plus grand des
choux la recette du chou rouge au beurre blanc.
26 Tu additionneras le poids du plus grand des choux à la masse de
beurre indiquée dans la recette et tu diviseras le nombre obtenu
par l’âge de l’enfant qui se cache sous le chou qui se trouve à ta
gauche.
27 Tu avanceras vers le sud du nombre de pas correspondant au
résultat. Un enfant t’attendra, pour te remettre un sachet de
tissu.
31 Tu ouvriras alors le sachet pour jouer au JUNGLE SPEED avec
l’enfant qui se cache derrière le chou qui se trouve
immédiatement à ta droite.
60 Lorsque tu auras fini de jouer, tu reprendras ta roue en
conservant précieusement le totem du jeu dans ta main droite.
Tu retourneras sur la plage et tu te mettras à l’eau en plongeant
depuis le rocher qui la surplombe : PLOUF !
Ne t’inquiète pas, l’eau n’est pas froide.
Tu nageras, nageras, nageras jusqu’à ce que tu aperçoives, en
rive droite, une auberge. Là, tu sortiras de l’eau.
Tu atteindras l’auberge et tu montreras le totem à l’aubergiste.
Il te reconnaîtra alors et te laissera entrer
C. Lonjon